Tout sur l’ours polaire

Femelle et ses deux oursons © Olivier Paris

Le spectre de sa disparition a subitement donné à l’ours polaire une dimension presque surnaturelle dans nos civilisations urbaines et cathodiques. Sa nécrologie est déjà préparée par les médias comme pour un membre de la « jet set » en phase terminale. Les documentaires expliquent, à grand renfort d’images choc judicieusement choisies, qu’il n’en a plus que pour quelques années. Sa disparition programmée est beaucoup plus simple à expliquer que la dislocation précoce de la banquise ou le changement climatique, et cela évite de parler de catastrophe globale.

Des associations mobilisent leurs adhérents pour la protection de ce symbole, comme autrefois contre la chasse aux « BB phoques ». Les phoques du Groenland furent épargnés, mais pas les morues surexploitées et encore moins la culture de la chasse chez les Inuits, simples dégâts collatéraux enfouis sous le tapis de la bonne conscience écologique.

Les États-Unis placent l’ours polaire sur la longue liste des espèces en danger : une de plus, cela ne coûte rien. Pendant ce même temps, les pétroliers américains lorgnent sur la banquise qui pourrait très rapidement ouvrir le passage à une voie navigable en plein milieu de l’aire de répartition des ours.

Sans se voiler la face, et en regardant objectivement les stratégies géopolitiques des grandes nations qui s’agitent dans l’Arctique comme au bon vieux temps de la guerre froide, on peut s’interroger sur l’importance réelle de l’ours polaire face aux enjeux économiques : création de ports en eaux profondes sur l’île de Banks, transit de pétroliers par le passage du Nord-Ouest, extraction de minéraux dans les îles de l’archipel canadien et de gaz en mer de Barents, sans oublier les sous-marins qui naviguent sous la banquise à proximité du pôle… Autant d’activités qui ne tiennent aucun compte des nuisances sur l’environnement.

L’ours polaire, quantité négligeable ? Peut-être pas, s’il permet d’éveiller les consciences et surtout de réagir efficacement en faisant tomber les barrières entre l’écologie, l’économie et la politique. Pour une personne sensibilisée à la protection de l’environnement, il ne devrait pas être tabou de dire « J’ai acheté des actions d’une société qui développe des pompes à chaleur », il devrait être possible à un grand patron de proclamer « J’ai investi dans des machines économes » sans être taxé d’action de communication.

L’ours polaire vit dans les plus hautes latitudes de notre hémisphère industrialisé, à la convergence des méridiens, dans un vaste territoire en pleine mutation : il peut être un dénominateur commun et non plus un symbole plus ou moins évanescent, l’espèce qui fédère les actions pour tenter de préserver son habitat qui est aussi le nôtre.

Soyons clair : s’inquiéter de la survie de l’ours polaire, c’est aussi et surtout s’interroger sur l’évolution indispensable de notre mode de vie pour assurer la pérennité de l’espèce humaine. Les Inuits respectaient l’ours polaire comme un parent, un proche cousin ; comme eux, nous vivons côte à côte avec les espèces menacées.

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