ÉDITO

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Au IVe siècle avant notre ère, à l’époque d’Alexandre le Grand et d’Aristote, l’explorateur et astronome Pythéas quitte Massalia (Marseille), passe les Colonnes d’Hercule (Gibraltar) et met cap au nord vers la mythique Thulé. Il franchit le cercle polaire arctique, observe le Soleil de minuit, et atteint la mer gelée où l’on ne peut ni marcher, ni naviguer… Plus que la quête de l’étain et de l’ambre, la raison fondamentale de cette expédition fut probablement l’exploration maritime et scientifique des contrées septentrionales.

Bien d’autres suivront les traces de Pythéas le Massaliote pour élargir les routes maritimes, conquérir des territoires ou les explorer. Les glaces polaires engloutiront des navires, d’autres s’y faufileront avec plus ou moins d’aisance. Toujours ce seront des marins volontaires et passionnés qui oseront l’aventure, il leur faudra gagner en connaissances et en humilité pour aller toujours plus loin.

Bien que toutes les régions polaires aient été explorées, la navigation dans ces zones reste une aventure. Malgré le savoir accumulé, malgré les moyens techniques les plus sophistiqués, banquise et icebergs demeurent les remparts, les gardiens silencieux des deux pôles. Les routes maritimes du nord ne sont pas des voies de navigation ordinaires, des autoroutes pour des norias de tankers. La nuit, le froid, la glace sont là pour garder quelques mystères que seuls les grands marins savent comprendre.

Ce nouveau colloque s’inscrit dans la célébration de plusieurs anniversaires. Voici 120 ans, le trois-mâts goélette le Français appareillait pour le premier hivernage en Antarctique dirigé par le commandant Jean-Baptiste Charcot. Il y a 20 ans, la goélette Tara commençait une aventure océanographique qui se poursuivra avec la création d’une station scientifique polaire dérivante, et le voilier d’expédition Vagabond d’Éric Brossier et France Pinczon du Sel commençait ses pérégrinations arctiques, restant à ce jour le seul voilier à avoir franchi consécutivement les deux passages du Nord-Est et du Nord-Ouest.

C’est pour évoquer cette histoire, ces histoires, mais aussi l’avenir de ces explorations et navigations polaires que nous organisons ce colloque. En utilisant les aventures passées pour comprendre l’avenir, les erreurs pour construire une approche plus respectueuse de ces environnements fragiles. Durant trois demi-journées, les témoignages et les recherches vont résonner, se confronter, se répondre pour sortir des poncifs et des idées reçues. Malgré la fin de l’exploration de territoires vierges, d’autres domaines restent à découvrir : de nouveaux carburants, de nouvelles raisons de visiter et d’étudier ces régions, de nouvelles relations avec les humains et non humains qui peuplent les plus hautes latitudes.

Ce colloque ne pouvait se dérouler qu’à Marseille, la ville de Pythéas et de la seule École Nationale Supérieure Maritime qui offre la formation de base pour les navires exploités dans les eaux polaires. 

Retrouvons-nous pour ces moments de partage et continuer à nous glisser entre icebergs et banquise, avec respect et humilité. 

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