Renne ou caribou ?

Renne au Spitzberg © Rémy Marion

Renne ou caribou ?

Deux appellations pour une même espèce – Rangifer tarandus pour la classification – en Eurasie on l’appelle renne et en Amérique du Nord caribou, dérivé d’un mot des Indiens Algonquins qui signifie « qui creuse pour sa nourriture ». Le renne est un membre de la famille des Cervidés, c’est un cousin des cerfs, daims, élans, chevreuils.

Les bois particulièrement développés chez les vieux mâles sont aussi présents chez les femelles (unique chez les cervidés) qui n’attendent pas de petit, les éléments nécessaires à la croissance des bois étant réservés à celle de l’embryon. Pour les mâles, les bois tombent en novembre/décembre après le rut et pour les femelles et les jeunes adultes ils peuvent persister tout l’hiver. La coloration des individus varie beaucoup entre l’hiver avec une fourrure épaisse et plutôt de couleur blanc gris clair et l’été où la fourrure plus fine est en général plus sombre, brun gris foncé. L’une des caractéristiques des poils de renne est qu’ils sont creux pour que l’air qu’ils conservent serve d’isolant ; c’est aussi une bonne réserve de flottabilité facilitant la nage lors des migrations estivales à travers lacs et rivières.

Les mâles qui se disputent la suprématie sur un troupeau utilisent leurs bois par s’affronter dans des joutes parfois mortelles. La complexité des bois des grands mâles est à l’origine de leur imbrication les uns dans les autres, les deux combattants se retrouvant parfois liés jusqu’à la mort.

Le poids moyen d’un individu adulte varie entre 90 et 185 kg suivant le sexe, la période de l’année et la région. Les caribous des bois sont en général plus massifs que ceux de la toundra.

L’hiver, cette espèce se nourrit essentiellement de lichens qu’elle repère sous la neige, aliment peu nutritif, elle doit donc se déplacer sans relâche. L’été, rennes et caribous paissent dans de vastes prairies riches en graminées et en pousses d’arbustes.

Le rut a lieu à l’automne, fin octobre début novembre. La gestation dure de 4,5 à 5 mois.

Perché sur de frêles baguettes, le caribou avance, le museau au sol comme absorbé par une sombre mélancolie, il avance sans faiblir. Les caribous de la toundra nord américaine et les rennes d’Eurasie migrent sur les vastes espaces du nord de l’Europe, les terres basses du nord canadien, de l’Alaska. Ils traversent les rivières, escaladent les collines, franchissent des centaines de kilomètres, gardant le cap sur les lacs gelés, de vallées en fjords. Des colonnes de plusieurs kilomètres martèlent le sol gelé, les hardes d’Amérique du Nord peuvent être constituées de plusieurs milliers d’individus.

Au printemps, les femelles qui doivent mettre bas guident la harde. Fin mai début juin, arrivés sur les lieux, une brève halte et un nouveau caribou, chétif et humide, se mêle au groupe, pas le temps de lambiner.

Durant l’hiver, de nombreux individus meurent de sous-alimentation, de froid, de vieillesse. Les loups prélèvent leur yassak et suivent la migration pour chiper un jeune attardé, un individu malade ou une mère imprudente. Ainsi va la vie des caribous, deux migrations par an entre des zones riches en végétaux pour l’été et des sites en limite de la forêt boréale pour passer l’hiver. Les caribous des bois ne transhument pas, ils se déplacent en fonction des ressources disponibles et de la couverture de neige.

Rennes et caribous grattent le sol gelé à l’aide de leurs sabots larges, souples et coupants. Ces sabots permettent à ces animaux de progresser dans la neige comme s’ils portaient des raquettes à géométrie variable. Mais quand la toundra est détrempée, que les rennes doivent traverser les sphaignes, leurs sabots font merveille. Pour nager, ils servent aussi de pagaies très efficaces lors des traversées de lacs ou de fjords.

Mais si le loup est le principal prédateur, il ne faut pas oublier les moustiques, les mouches, les taons, qui prélèvent quelques gouttes de sang à chaque individu et profitent de leur chair pour pondre et nourrir leur larve. Le caribou est la proie idéale. Le harcèlement par les insectes intervient dans les déplacements des animaux qui vont alors se réfugier dans des zones plus fraîches ou très ventées, en général moins peuplées de parasites.

À l’extrême nord du Canada vit une sous-espèce de caribou dite de Peary, elle survit sur l’île d’Ellesmere. La population totale n’excède pas quelques centaines d’individus. Les conditions particulièrement rudes sous ces hautes latitudes, aux environs de 80° Nord, imposent des adaptations spécifiques. Les caribous de Peary sont courts sur pattes et pèsent entre 55 et 70 kg. Ils possèdent une fourrure très épaisse et blanche. Les rennes qui sont arrivés récemment sur l’archipel du Svalbard et ceux qui ont été introduits en Géorgie du Sud en 1911 et 1925 par les baleiniers norvégiens aux limites de l’Antarctique ont développé les mêmes caractéristiques. Ils sont plus trapus que les rennes du continent. Ils ne migrent pas car leur territoire est borné par des glaciers.

Les relations des hommes avec les rennes et les caribous sont de deux ordres : la chasse et la domestication. Certains peuples ont été tellement attachés à cette espèce qu’il est possible de parler de civilisation du renne comme l’on parle de civilisation du phoque pour les Inuit du Groenland. Le bois de renne fut un matériau extraordinaire pour des civilisations privées de bois. Solide, abondant, facile à tailler et à travailler, il était utilisé pour la réalisation de multiples objets : pointes de harpons de toutes formes, manches de poignard, lunettes, outils de cuisine… Les peaux étaient la base de l’habillement, de la confection des tentes, du couchage. Les tendons servaient de ligature, de fils à coudre.

Les Inuit de l’intérieur, au nord-ouest de la baie d’Hudson ne vivaient pas des mammifères marins mais de la chasse aux caribous. Leurs déplacements annuels suivaient les animaux.

Les toungouzes sont les seuls à monter le renne comme l’on monte les ânes dans certaines régions d’Afrique. En général, les rennes sont attelés à de petits traîneaux ou bien tractent directement un skieur. Les attelages sont menés en file indienne par un éleveur qui tient en main la bride du renne de tête.

L’arrivée des armes à feu a participé à la destruction massive de certains grands troupeaux nord américains. Les Inuit et les Indiens chassent toujours les caribous et servent de guides à des chasseurs « sportifs ». La viande de caribou est très réputée.

Les caribous et les rennes subissent les changements de l’Arctique. L’hiver, les pluies liées au réchauffement climatique couvrent la toundra d’une croûte de glace trop dure pour les sabots. Certaines zones d’alimentation sont maintenant gagnées par la forêt boréale qui n’offre pas les mêmes ressources.

La construction de gazoducs au nord de l’Alaska, du Canada et de la Sibérie barrent la route des migrations et obligent les troupeaux à de grands détours.

 

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