Bœuf musqué

Face à face avec un mâle © Rémy Marion

 

Bœuf ou mouton ?

Le bœuf musqué est un animal qui semble tout droit sorti de la préhistoire.

Il vivait déjà lorsque les mammouths et les rhinocéros laineux pâturaient dans la toundra.

Les scientifiques ont eu quelques difficultés à classer l’espèce. Elle ressemble à un bison et pourrait donc être apparentée aux bovins mais elle est couverte de laine comme les ovins dont il est en définitif plus proche. Les mammalogistes ont donc créé un genre spécial Ovibos pour cette espèce entre les moutons et les chèvres aux allures de bœuf primitif.

Son appellation de musqué vient de l’odeur particulièrement forte des mâles en rut. En inuit, il est appelé Omingmak, le barbu.

Les origines de l’espèce sont à rechercher en Sibérie, c’est en franchissant l’actuel détroit Béring qui n’était qu’une plaine il y a 90 000 ans que les premiers individus ont colonisé l’arctique canadien. Des bœufs musqués ont continué le voyage vers l’est par le nord du Groenland et se sont répandus sur la côte est du Groenland.

Il mesure entre 1,1 m et 1,4 m pour un poids variant de 200 à 400 kilos. La taille varie entre les deux sexes et suivant les populations. Sa toison brun gris peut atteindre une épaisseur de 80 cm sur le coup, le ventre et l’arrière-train. Les poils du dos mesurent environ 18 cm.

Recouverts de cet épais manteau de laine, ils peuvent affronter des températures de -40 °C et des vents violents mais ne résistent pas à des pluies abondantes qui détruisent leur isolation thermique.

L’hiver, Ovibos reste, têtu, dans les sites les plus exposés, les plus difficiles à tenir face au blizzard, il ne migre pas. Contre le vent chargé de milliers d’aiguilles de glace, contre le froid meurtrier, le bœuf musqué tient sans faiblir. Son mode d’alimentation hivernale l’oblige à rechercher les zones sans neige où les lichens et de rares dryades brunies par le gel apparaissent encore. Avec ses sabots puissants, il gratte le sol gelé et dégage sa maigre pitance qu’il broute du bout des dents.

Dès les beaux jours d’avril et jusqu’en juin, les femelles mettent bas un unique veau. On s’y perd avec le bœuf musqué qui fait parti des ovins et on appelle les jeunes des veaux et non pas des agneaux. À la naissance, le jeune bœuf musqué pèse entre 7 et 10 kg pour une hauteur de 45 à 60 cm. Il se dresse presque aussitôt sur ses pattes et suit le troupeau à peine âgé des quelques heures.

En septembre, c’est la période de reproduction, les mâles s’affrontent pour la suprématie sur le groupe de femelles. La toundra résonne des chocs secs et sonores de deux masses lancés au galop. Ils prennent leur élan sur l’aire déjà brunie par les gelés, les belligérants se ruent l’un vers l’autre dans une course sans limite comme des chevaliers caparaçonnés, leurs toisons s’agitent, et « clangue » ! Les plaques frontales épaisses de plusieurs centimètres s’entrechoquent. Un temps d’arrêt comme pour digérer la puissance de l’adversaire et ils repartent à l’assaut. Le plus puissant, le plus rapide sera vainqueur et pourra transmettre son patrimoine génétique.

Face aux loups qui tentent de chaparder un veau, les bœufs musqués s’organisent. Le groupe se resserre : face à l’assaillant, les grands mâles armés de leurs cornes massives, sur les flancs les femelles moins armées mais tout aussi décidées, au centre les veaux encore fragiles.

Cette défense a fait ses preuves pendant des millénaires même face aux petits hommes armés de modestes arcs et de frêles javelots. Mais lorsque les armes à feu sont arrivées sous les plus hautes latitudes, ovibos a plié l’échine. Regroupés comme s’ils s’opposaient aux loups ils devenaient un gibier facile, une cible idéale. Le massacre fut définitif dans bien des régions, le bœuf musqué disparu de l’ouest de la baie d’Hudson dès le milieu du XVIIIe siècle.

Seules les populations de l’île d’Ellesmere et de l’est du Groenland ont survécu, des prélèvements à partir de ce petit groupe ont permis de réintroduire l’espèce en Alaska, en Sibérie, au Labrador.

En Norvège, dans les montagnes du Dovrefjell, une population a su s’adapter à une végétation plus dense et des conditions moins rudes que dans le haut arctique.

Les inuit de Baffin et du Groenland chassent toujours le bœuf musqué pour sa viande et sa peau. Dans certaines régions du nord labrador, les inuit récoltent la laine que les bœufs musqués perdent durant la mue puis la filent et la tricotent. Un bonnet ou une paire de chaussettes en laine de bœuf musqué sont vendus 150 euros (2006).


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